Ville littéraire et amoureuse, Budapest garde de son passé guerrier et insurrectionnel un aspect cuirassé, rigide, un urbanisme haussmannien, larges avenues pour mieux faire manœuvrer la troupe, tracés clairs et rectilignes pour casser les attroupements suspects.
Buda, Pest : posés sur les flancs d’un fleuve si large qu’il hésite entre son désir d’unir ou d’éloigner à jamais les deux vis-à-vis. Il faut, c’est vrai, vivre ce temps d’incertitudes avant de comprendre que la vraie fusion de cette ville « divisée » ne pourra se faire qu’en nous-même. Il faut aussi, en arpentant les grands ponts aérés du Danube, créer soi-même cette fusion, la tisser de nombreux passages, rejoindre Buda et y voir Pest, ou, flânant le long d’une avenue de Pest vouloir rêver de la colline des Roses. Il faut résister à la monumentalité qui égare sans cesse notre vision sur l’opulence des façades ornementées d’incroyables surenchères.
Car derrière, seront d’autres mondes, d’autres quartiers, d’autres rues plus étroites et sombres mais vivantes, d’autres cours pleines d’odeurs et de silences habités ou Piranèse aurait pu inventer havres de paix et palais infernaux. Et puis d’autres gens de Pest. D’autres gens de Buda dans la tranquillité chuchotante des cafés. C’est l’intimité de la ville, cette autre dimension sans qui l’espace, même de la plus prestigieuse apparence, ne serait rien.